18 février 2009

A Dieu démocratie, bonjour Sarkocratie!


Nicolas Sarkozy a fait honneur à la France, lors de sa présidence de l’Union Européenne. Tout le monde le lui reconnaît ! N’ayez crainte, le Président de la République n’a pas oublié ses « compatriotes ». Le meilleur est à venir. Annoncée dans une hâte « gesticulante », à la surprise du gouvernement et des députés de la majorité, la réforme de l’audiovisuel public est effective. Dans le cadre de la réforme de la constitution, le Président a voulu conférer plus de pouvoir au parlement (plutôt à la majorité de droite). Mais notre « hyper-président » s’est réservé le droit de dicter son idéologie à travers France Télévision. Désormais il nommera le président du groupe public. C’est tout ? Non pas seulement. Cette manœuvre ne peut être sans quelques cadeaux pour ses amis des groupes privés. Il le leur doit bien tout de même. Aujourd’hui, le 5 janvier 2009, la publicité quitte partiellement les programmes des chaînes publiques pour aller trouver refuge sur les réseaux du privé. C’est bon, on a compris : « enrichir les riches et appauvrir les pauvres » est la devise de Nicolas Sarkozy. Les réductions budgétaires concernent, en effet, tous les secteurs de la culture. Vous a-t-on consulté ? Probablement pas. Pourquoi. Parce que vous aurez encore plus de mal à accéder à la culture. Le grand saut en arrière de la démocratie française atteste d’une chose : le « sarkozisme » s’installera pour longtemps !

17 février 2009

Française avant tout


« Sans commentaire ! », elle est noire et surtout pas « black ». Française et non plus Française d’origine sénégalaise. Rokhaya Diallo est très attentive aux mots et chasse les préjugés ethno-raciaux qu’ils véhiculent. Sa méthode ? L’humour et l’ironie. A trente ans elle est et responsable d’achat des programmes d’une chaîne de télévision du câble et présidente (fondatrice) de l’association antiraciste des Indivisibles.

Née à Paris, de parents immigrés dans les années soixante-dix, Rokhaya grandit à La Courneuve. Pourtant elle se heurte à des « Tu viens d’où ? » ou des «Ah ! Tu parles très bien français ». On s’étonne qu’elle soit musulmane : «Ah ! On ne dirait pas ! ». Jusqu’à la fin de son adolescence, elle ne s’imagine pas, un jour, se poser la question des origines et de la couleur de peau. Cette prise de conscience des clichés ambiants et du « racisme ordinaire », qui l’exaspèrent tant, viendra plus tard.

Brillante élève, Rokhaya Diallo étudie le droit à Assas. En 2000, elle intègre une école de commerce et obtient un master en marketing dans l’industrie audiovisuelle. A la fin de ses études elle s’aperçoit que « chez la plupart de [ses] interlocuteurs, le fait d’être noire et d’origine populaire posait problème. Leur regard [l’] associait à un imaginaire et des stéréotypes gênants ». Révoltée, qu’on ne l’aborde « avant tout [que] comme une noire », Rokhaya choisit le combat.

Suite à son passage tremplin, à la présidence du conseil local de la jeunesse à La Courneuve, elle participe au mouvement féministe Mix-Cités, puis milite pour l’association Attac. Son projet se concrétise en 2006, lorsqu’elle lance avec ses amis le mouvement du nom de super héros les Indivisibles. L’allusion est forte : la République française est « une et indivisible ». Ce groupe soudé, d’une centaine d’adhérents « motivés par l’esprit d’aventure », a l’ambition de « déconstruire les préjugés ethno-raciaux et notamment ceux qui ont tendances à exclure les non-blancs de la citoyenneté et de l’identité française ». En réalité, la jeune femme n’a jamais été confrontée au racisme violent. Ce qui la dérange ? Ce sont ces petites phrases, souvent non intentionnelles, qui véhiculent le racisme ordinaire. Ce sont ces « regards différencialistes » qu’elle ne supporte pas sentir.

Pour Rokhaya il y a un problème d’ « ignorance ». Il faut réveiller les consciences. Son action se veut pédagogique et s’étend aux entreprises et aux écoles. Elle souhaite travailler sur les manuels scolaires pour évacuer des représentations parfois trop blanches. Mais pas seulement. Elle veut aussi s’attaquer aux préjugés qui se construisent chez les jeunes des banlieues. Ceux là aussi il faut les éduquer. « Eux aussi véhiculent des clichés : celui du Français blanc, riche et parisien par exemple ». De part et d’autre se mettent en place des représentations de « l’autre ». Son association mène « des actions préventives » qui s’adressent à tous.

Rokhaya veut en découdre avec « ces raccourcis [qui] sont aussi idiots que néfastes dans l’inconscient collectif ». Pour faire passer son message, elle mise sur le web. Ses moyens ? Des dessins animés, des textes et une charte drôle et très ironique. Les Indivisibles manient l’absurde avec humour : « Le mot noir est garantit 100% sans danger. Il fait même partie des mots les plus sûrs de la langue française après les mots tarte aux pommes et rhododendron ».

Fan de Gad Elmaleh, nourrie à la BD et aux Mangas, Rokhaya Diallo croie au pouvoir de l’animation et de l’humour ironique pour changer les « représentations mentales ». Elle mène une action sereine et ne veut pas « accuser, culpabiliser ou moraliser ». Loin de la rancune et de la haine, son discours est avant tout pacifiste. Malgré le fait de devoir s’expliquer devant des propos, comme ceux d’Eric Zemmour, lors de l’émission Paris-Berlin sur Arte, le 13 novembre dernier. Le journaliste du Figaro lui demande pourquoi ses parents ne lui avaient pas donné un prénom français. Calmement elle répond : « Si je m’étais appelée Isabelle, aurais-je été considérée comme plus Française ? Je serai quand même noire. Je ne pense pas que cela aurait inversé la perception que les gens ont de moi. ».

Elle prend un air désolé lorsqu’elle raconte la difficulté de son frère, diplômé en chimie et qui peine à trouver un travail. Confronté tous les jours à des contrôles policiers, parfois provocateurs. Son père ouvrier et sa mère styliste ne comprennent pas cette situation. Ils n’avaient pas ce problème d’identité, eux, ils se disaient qu’ils n’étaient pas « chez eux ». Tandis que leur fille appel à cesser « de considérer l’identité française comme quelque chose de monolithique ». Elle lui appartient à elle aussi de se sentir Française. Eduquée dans les valeurs de la République, elle est dans son droit de citoyenneté. Ses initiatives attestent d’ailleurs de son intelligence. Au lieu de tomber dans le choc des cultures et des identités, elle s’est donné pour mission de les combattre. Sa place n’est pas ailleurs, elle la connaît très bien et elle n’est pas prête de la quitter.

Vidéos des Indivisibbles